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"Pétrole propre" : projet environnement EMSE
4 mai 2011

IV- Vers un pétrole propre ?

 IV- Vers un pétrole propre ?

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Les microalgues :

 

L’Europe est fortement dépendante au niveau énergétique, sa consommation en pétrole dépend à 50% d’approvisionnements extérieurs. En outre les réserves pétrolières sont en constante baisse et arriveront d’ici peu à pénurie.

Pour résoudre la pénurie de pétrole de nombreuses solutions ont été proposées comme le photovoltaïque, les voitures électriques, la culture d’algues. Les biocarburants de 1ère et 2ème génération issus de l’extraction d’espèces oléagineuses se heurtent cependant à des problèmes environnementaux (déforestation) et sociétaux (crise alimentaire). Actuellement, les biocarburants de 3ème génération, issus des micro-algues, représentent une bonne alternative entre productivité et respect de l’environnement. Ces derniers permettent de concilier rendement important et préoccupations environnementales et sociales : ils ne nécessitent pas l’occupation de larges terres agricoles et valorisent de manière efficace le CO2.

 

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 1) Introduction aux micro-algues

a)     Définition :

Une micro-algue est un organisme photosynthétique unicellulaire délimitée par une membrane plasmique, qui contient au sein de son cytoplasme de nombreux organites nécessaires à son fonctionnement et à son métabolisme : chloroplastes, amyloplastes, oléoplastes, mitochondries et son noyau entouré de son enveloppe.

 enviro_2Vivant dans les milieux aqueux, les micro-algues peuvent produire de la matière organique à partir d'éléments minéraux (grâce à la photosynthèse).

 

b)    Techniques de la photosynthèse

La photosynthèse est le processus bioénergétique permettant aux plantes de synthétiser de la matière organique à partir d’énergie solaire de dioxyde de carbone d’eau et de sels minéraux. C’est cette matière organique qui est ensuite extraite pour produire le biocarburant. Le processus de photosynthèse joue donc un rôle primordial dans la production des biocarburants. Aussi il nous a semblé important de rappeler son mécanisme :

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On peut distinguer deux grandes phases dans le processus de photosynthèse :

1 - Les réactions photochimiques

La lumière parvient aux micro-algues sous forme de photons qui sont captés par les pigments (comme la chlorophylle) en fonction de leur longueur d’onde. Lorsqu’un photon d’énergie est capté, un de ses électrons passe à l’état excité ce qui crée de l’énergie lumineuse. Les antennes collectrices (ensembles comprenant des pigments (chlorophylles a et b, caroténoïdes et phycoérythrobiline et des protéines))  distribuent l’énergie lumineuse captée aux centres réactionnels des photosystèmes qui la transforment ensuite en énergie chimique. Les premiers électrons capturés initient alors la réaction photochimique.

 

2 - Le cycle de Calvin :

En second lieu, l'énergie chimique contenue dans l'ATP et le NADPH+H+ fixe le carbone contenu dans le dioxyde de carbone atmosphérique en le liant aux atomes d'hydrogène des molécules d'eau. Le NADPH+H+ ayant acquis des électrons grâce à la phase photochimique réduit ensuite le carbone fixé en glucide et lipides. Ces lipides seront ensuite extraits afin de produire le biocarburant par transestérification.

 

On peut résumer le processus photochimique en deux phases distinctes :

1. Les réactions photochimiques

12H2O + lumière → 6O2 + énergie chimique (24 Hydrogènes) .

 

2. Le cycle de Calvin, appelé aussi phase de fixation du carbone

6CO2 + énergie chimique (24 Hydrogènes) → C6H12O6 + 6H2O

L’ « énergie chimique » correspond à 12 molécules de NADPH+H+ et de l'ATP.

 

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  2) Procédés mis en pratique :

Le biocarburant de 3ème génération est obtenu par extraction de la biomasse contenue dans les micro-algues. Il s’agit notamment de récupérer l’huile (riche en lipides) des micro-algues. En outre les micro-algues possèdent l’un des meilleurs rendement de conversion photosynthétique. Ceci permet d’envisager des rendements à l'hectare supérieurs (d'un facteur 30) aux espèces oléagineuses terrestres et justifie pleinement leur utilisation pour produire des biocarburants :

 

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a)     Production de Lipides

La forte teneur en lipides des micro-algues explique l’intérêt que les chercheurs leur portent.

Dans des conditions de culture fixées, certaines espèces de micro-algues accumulent le carbone fixé, sous forme de lipides (appelés triglycérides) quelques espèces (comme les Chloro-phycées)  accumulant jusqu'à 80 % de leur poids sec en lipides. Ce stockage permet la mise en réserve d’acides gras et d’énergie et sera ensuite transformé par transestérification en biocarburant.

Le stockage de lipides résulte d'un déséquilibre transitoire entre le flux de carbone issu de la photosynthèse et le flux d'autres éléments nécessaires à la croissance (phosphore ou azote). Aujourd’hui les scientifiques cultivent les micro-algues dans certaines conditions (carrence en nutriments) pour booster le stockage des lipides. Les conditions de carence en azote sont en effet connues pour stimuler la production de lipides. L'augmentation soudaine de l'intensité lumineuse, un choc thermique ou un choc osmotique favorisent également la production de lipides.

De fortes teneurs en lipides ne peuvent toutefois pas être maintenues pendant de longues durées : elles conduisent souvent à un arrêt de la croissance : il faut trouver un compromis entre croissance (donc sans carence) et production d'huile (avec un stress ralentissant la croissance).

 

b)    Techniques de mise en culture :

Cependant il convient de se demander comment ces microalgues sont cultivées ? Et si les domaines utilisés n’entrent pas en compétition avec les cultures de matière première ?

Les deux principales méthodes de production à grande échelle de biomasse micro-algale sont les bassins et les photobioréacteurs.

A l’échelle industrielle les bassins sont souvent plus utilisés car en termes de culture à ciel ouvert ils permettent d’obtenir les rendements les plus importants. De plus l’investissement et le besoin en main d’œuvre qualifiée est moins important que pour les technologies de type photobioréacteurs. Cependant étant à ciel ouvert, ces systèmes sont sensibles à la contamination et les paramètres de culture (distribution et évacuation du CO2, de l’O2, contrôle du pH, de la température,…).sont difficilement contrôlables contrairement aux bioréacteurs.

A grande échelle industrielle les bassins ont des dimensions de l’ordre de 1000 à 5000 m² et les bioréacteurs ont eu une contenance jusqu’à 1 000 000 L. Théoriquement, aucune concentration ne varie au cours du temps dans le réacteur (même si l’on sait qu’une hausse soudaine de la concentration pourrait doper la production de lipides sur un court instant). Les productivités des bassins atteignent environ 100 t/ha/an (alors que l’on estime que la limite thermodynamique de conversion photosynthétique est de 400 t/ha/an).

Contrairement aux cultures de colza utilisées pour la production des biocarburants de 1ère génération, les bassins et les photobioréacteurs ne nécessitent pas l’exploitation de grandes surfaces agricoles.

 

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c)     Extraction des lipides et production du biocarburant :

Les algues sont récoltées régulièrement et l'huile est extraite selon différents méthodes (centrifugation, traitement au solvant, lyse thermique, etc.).

Ensuite deux types de conversion de l'huile en biocarburant, semblables à ceux utilisés pour les huiles végétales classiques peuvent être mis en place :

- la transestérification, qui fait réagir l'huile algale avec du méthanol ou de l'éthanol, produit un ester d'huile algale ou biodiesel, tout à fait comparable à celui obtenu à partir des autres types d'huiles végétales. Il peut être mélangé au gazole en proportion limitée à une dizaine de pourcent volume.

- l'hydrogénation catalytique qui fait réagir l'huile en présence d'hydrogène, suivie d'un hydrocraquage, produit des hydrocarbures qui peuvent être incorporés en quantité importante au gazole ou au kérosène

Un premier enjeu de la production des biocarburants de 3ème génération consiste à identifier les micro-algues les plus riches en lipides parmi les millions d'espèces existantes.

En outre l’extraction des lipides elle-même doit être largement améliorée : l’extraction de l’huile est actuellement réalisée à l’hexane, ce qui n’est compétitif ni au niveau économique ni au niveau environnemental.

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  3) Obstacles rencontrés :

   a)     Obstacles rencontrés :

Le coût de la production de biocarburants est bien plus élevé que pour l’utilisation de pétrole. En effet l'extraction des lipides et le séchage de l'huile consomme une forte quantité d’énergie. Les infrastructures, le transport de la biomasse, la main d'œuvre et les coûts d'exploitation augmentent encore fortement le prix de revient.

Des problèmes environnementaux et sociaux se posent également : le manque de surface demeure un des plus gros obstacles à l’industrialisation des biocarburants : le remplacement de 50 tonnes de pétrole en France par la culture d’algues nécessiterait environ 1 077 000 ha. De plus les pertes en eau dues à l’évaporation lors de la culture en bassin de type raceway peuvent être importantes,. En outre la question de la contamination éventuelle du milieu aquatique par des micro-algues extérieures se pose : une micro-algue génétiquement modifiée pourrait se propager au sein des algues.

 

b)    Optimisations possibles du rendement :
Influence du milieu :

La croissance d'une culture de micro-algues est contrôlée par un très grand nombre de facteurs dont les plus importants sont la lumière (intensité et photopériode), le pH, les nutriments, les concentrations en CO2 et O2 et l'état physiologique. Ainsi une augmentation soudaine de l'intensité lumineuse favorise la production de lipides.

 

Modélisation de la cinétique de la croissance de l’algue :

La maîtrise de la cinétique de croissance est également importante : les micro-algues sont capables de se multiplier de manière rapide dans des conditions favorables (selon un cycle de développement en 4 temps : phase de latence, croissance exponentielle, phase stationnaire, décroissance rapide). Ainsi garder la culture en phase de croissance exponentielle le plus longtemps possible permet de bénéficier d’un matériel biologique en abondance.

 

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Cinétique de croissance des micro-algues : la croissance suit

un développement que l’on peut diviser en 4 phases distinctes 

Influences de l’azote et du phosphore :

Les influences de l'azote et du phosphore sur des micro-algues Porphyridium purpureum sont relevées dans les travaux de Joannis et al., (2007). Grâce à leurs résultats, ces auteurs concluent qu'il faut une quantité minimale d'azote initiale pour ne pas limiter la croissance micro-algale, sans dépasser une quantité maximale pour ne pas l'inhiber. Quant au phosphore, la biomasse augmente avec sa concentration jusqu’à atteindre un plateau pour une concentration initiale de 30mg.L-1 , ce qui correspond à 30 mg pour 0,2.109 cellules en début d'expérience biomasse.

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Grâce à des modèles précis de l'évolution de la population algale, reposant sur des paramètres externes, nous pourrions optimiser les rendements de production de biomasse algale.

 


    4) BFS, producteur de pétrole propre


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« Mince, comment n’a-t-on pas pu y penser avant ? »

Telle a été la première réaction des chercheurs de l’université d’Alicante, quand Bernard Stroïazzo-Mougin, président fondateur de BFS (Bio Fuel System), leur a expliqué son idée : fabriquer du pétrole à partir de micro-algues, en reproduisant artificiellement le processus naturel de transformation du carbone en pétrole, qui lui prend plusieurs millions d’années. L’idée est à l’origine d’une véritable révolution économique et écologique.

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L’entreprise BFS, qui a été fondée en 2006, est une entreprise espagnole qui a déposé plus d’une vingtaine de brevets, et mis au point un procédé de fabrication de pétrole à partir de micro-algues marines. Pour nourrir ces végétaux, il faut la lumière du jour – c’est la photosynthèse – et du gaz carbonique. Et c’est là qu’est le génie du procédé : le CO2 est directement récupéré des usines avoisinantes, ce qui élimine une grande partie des rejets de ce gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

En effet, le pétrole est issu de la décomposition de cyanobactéries et de phytoplanctons, qui étaient les premiers organismes biologiques existants sur terre. Ces organismes, dits « autotrophes »,  sont capables de créer de la matière organique à partir de matière non organique, comme le carbone (présent sous forme de dioxyde de carbone). Parmi ces organismes, on trouve les végétaux chlorophylliens, ainsi qu’une multitude de cyanobactéries. L’avantage que possède le phytoplancton est un rendement supérieur aux plantes terrestres, et ces micro-organismes sont capables de se reproduire toutes les 24 heures, en utilisant uniquement l’eau, le carbone, et la lumière du soleil. BFS utilise aussi des eaux dont la concentration en phytoplanctons est plus d’un million de fois supérieure aux concentrations rencontrée dans l’eau de mer.

Sur le site d’Alicante en Espagne, qui fait office de site test, le gaz carbonique est acheminé par gazoduc depuis la cimenterie voisine. Les algues se multiplient alors très rapidement, et cette biomasse végétale est ensuite filtrée pour en extraire l’eau et les omégas 3, et la pâte obtenue est transformée par craquage, à haute température et haute pression, en pétrole artificiel, dit « pétrole propre » ou « pétrole bleu », sans souffre ni métaux lourds. La force de ce pétrole est aussi de pouvoir servir de carburant, et a un pouvoir calorifique de 9700 kJ/kg (à titre comparatif, la chaleur de combustion de la tourbe est de 5200 kJ/kg, et avoisine les 45000 kJ/kg pour les carburants raffinés). Il est donc aussi raffinable, avec un moindre coût comparé au pétrole fossile (grâce à l’absence de souffre et d’autres métaux lourds). Par ailleurs, il peut aussi servir à la production de matières plastiques, solvants, engrais …

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La culture des micro-algues est effectuée dans des grands réacteurs cylindriques de 8 mètres de haut, pour optimiser la surface et maximiser l’énergie solaire reçue. En 48h, les réacteurs peuvent produire du pétrole, alors que le procédé aurait mis naturellement plusieurs millions d’années à se terminer.

L’objectif de l’usine de BFS sur le site d’Alicante est, sur une surface de 40 hectares de cultures, d’absorber 450 000 tonnes de gaz carbonique par an, et de produire sur une année 230 000 barils de pétrole, et 3000 tonnes d’oméga 3. Le succès est tel, que la majorité des grandes entreprises liées au pétrole (comme Exon, numéro 1 du pétrole dans le monde) investissent dans la culture de micro-algues. D’autres usines, sur l’Archipel de Madère au Portugal et à Venise en Italie notamment, sont en construction. D’ici à 2020, BFS aura implanté 50 usines à travers le monde.

 


Conclusion

L’intérêt pour les micro-algues a fortement augmenté ces dernières années. Les micro-algues peuvent en effet être utilisées dans de nombreux secteurs du médical à l’alimentaire(en tant qu’aditif ou épaississant en passant par l’énergie et l’environnement (en effet certaines micro-algues ont la capacité de produire de l'hydrogène qui peut être utilisé comme biocombustible).

Néanmoins l’extraction des lipides contenues dans les micro algues reste un procédé coûteux tout comme la main d’œuvre. Les scientifiques doivent également faire attention à ne pas contaminer les autres algues du milieu avec des micro-algues génétiquement modifiées ou des produits chimiques visant à doper la production.

Il n’en reste pas moins que la production de biocarburants à partir de micro-algues ne peut être rentable que si elle est associée à un système de dépollution (consommation de nitrate, ammonium et phosphate, CO2) et à la production de coproduits valorisables dérivés de la biomasse.

 

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Bonus :

Interview d'un chercheur du Laboratoire de bioénergétique et biotechnologie des bactéries et microalgues d'Ifremer présentant le devenir des micro-algues dans l'industrie actuelle et notamment dans la production de biocarburants:

 Partie 1 : ici

 Partie 2 : ici

Bonus :

Interview de Stephan Cuine, ingénieur CEA du Laboratoire de bioénergétique et biotechnologie des bactéries et microalgues présentant tout d'abord le type de microalgues utilisés puis les méthodes d'extraction de celles-ci et les difficultés d'extraction :

 

 

Partie 1 - Pétrole Propre - Micro-algues

Partie 2 - Pétrole Propre - Micro-algues

Partie 3 - Pétrole Propre - Micro-algues

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Commentaires
"Pétrole propre" : projet environnement EMSE
  • Nous nous proposons de comprendre les enjeux du pétrole actuel et de se projeter dans l'avenir. Comment achemine-t-on le pétrole jusqu'à la pompe ? Y a-t-il différents pétroles ? Peut-on avoir du pétrole propre ?
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